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         Nous sommes parties au Cambodge avec l’idée de vivre la singularité, l’intimité de Cambodgiens.  Pour cela il fallait, en premier lieu, s’éloigner des généralités.  Nous avons alors décidé de se focaliser sur une rencontre à la fois et de les suivre séparément durant plusieurs jours. Ceci tout en essayant de construire une relation sincère sans l’intermédiaire de la caméra.Nous devions également tenter de nous éloigner de notre propre logique et de nos visions pour mieux percevoir les leurs .

       

         Pour finir avec nos intentions préalables, nous devons parler d’un documentaire qui nous avait marqué à ce moment là, et qui nous a nourries pendant ce voyage : Puisque nous sommes nés d’Andréa Santana et Jean Pierre Duret. Nous y avions vu un rapport très riche à l’intériorité, aux rêves de l’enfant, et cela nous a amenées vers de multiples interrogations : la caméra est-elle un élément de l’histoire de la «vérité» retranscrite ? Ici les protagonistes semblent l’accepter totalement ce qui donne une nouvelle dimension à ces rencontres : la confiance, la prise en compte de l’autre, l’honnêteté, la mise en scène de soi (tant pour les réalisateurs que pour les personnes filmées)…

 

         À notre arrivée, malgré le tumulte bruyant ambiant, nos rencontres ont été facilement amicales. Nous confrontions alors deux cultures, celles avec laquelle nous arrivions, et celle qui s’ouvrait à nous. Partout autour de nous, nous observions des dualités se faisant face. D’abord avec la cohue apparente de la ville et le calme et la sérénité dont ils faisaient preuve. Puis entre chacun d’eux, car tous semblaient très différents. Ou encore entre nos habitudes et les leurs. Mais aussi à l’intérieur d’eux-même. Des dualités au sein de chacun d’eux nous sont apparues petit à petit. Entre l’enfance et l’âge adulte ; entre travail et liberté; entre Naïveté et conscience. Ces personnes semblaient avoir plusieurs personnalités. Une personnalité sociale, hyper sociable, attirée par des beautés superficielles, où le sourire et l’acquiescement sont omniprésents. Et une personnalité plus pudique, à la recherche du bonheur et du bien être personnel. Nous y trouvons une culture de l’individualisme et d’une spiritualité très profonde. Les personnes rencontrées en tirent une force que l’on croirait inébranlable, grâce à une acceptation en toute simplicité de tous les mouvements de la vie. Nous avons mis du temps à comprendre la logique dominante Cambodgienne , elle nous a été accessible avec l’apport de discussions et de lectures sur l’idéologie bouddhiste.

 

 

        Cette culture de l’individualité, de la singularité, crée cette grande diversité dans les personnes rencontrées. Ces diversités et dualités pourraient se faire face, s’opposer mais semblent ici s’entremêler sans se rivaliser ou se hiérarchiser. En effet, au lieu d’apparaitre comme des oppositions belligérantes binaires que nous voyons avec notre éducation judéo-chrétienne, nous les ressentions comme des compositions qui se complètent où les limites de l’une débordent sur l’autre en permanence, recréant sans cesse un équilibre, « L’équilibre », comme on peut le comprendre dans la théorie du Yin/Yang.

 

        Le ton du documentaire, à l’instar de ces rencontres, est simple, sensible mais franc avec toujours une pointe d’humour.Le documentaire se compose des visions personnelles des rencontres. La subjectivité est totalement assumée en nous intégrant dans les événements pour plus d’honnêteté. Ce sont des échanges entre deux cultures. Nous restons « l’autre » à qui on montre sa vie. Et nous nous sommes intégrées dans leur quotidien tout en restant l’image d’une autre culture. Nous partons donc des confrontations de nos deux univers qui, au fur et à mesure s’entremêlent, qui glissent l’un sur l’autre puis nous nous faisons oublier pour être plus proche de leur sens, de leur intimité, nous captons des petit détails qui nous familiarisent, au delà de nos différentes logiques. Nous nous laissons alors guider par notre instinct, où nous ne cherchons plus à comprendre, seulement à ressentir.

 

        Nous utilisons pour ce documentaire plusieurs supports. De la vidéo, des sons seuls, des séries de photos (pixilations) ainsi que des animations. Nous recherchons différentes façon de raconter les choses en multipliant les formes de narrations pour traduire la diversité de ces rencontres, comme une histoire par épisode. Et ainsi trouver des formes documentaires qui retranscriraient les événements aussi sensiblement qu’ils ont été vécus.

 

         Le poids du contexte historique et politico-économique et les problèmes qui en découlent sont importants. Nous n’avons pas voulu les ignorer, mais nous avons voulu les évoquer comme ils sont vécus par les personnes rencontrées : en sachant qu’ils existent, qu’ils font partie du quotidien, mais en s’efforçant de construire indépendamment d’eux. Connaître et définir une population seulement par ses problèmes ou ses malheurs, porterait à croire qu’elle ne pourrait exister que par ce biais. Nous avons pris le parti qu’il en était autrement et ainsi de les voir d’abord par l’humain.

 

 

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